Sébastien Michaud est entrepreneur général en construction. Ces derniers temps n’ont pas été de tout repos puisqu’il a dû renoncer à quatre contrats. Tous les projets de patio de cèdre qu’on avait ont dû être remis au printemps prochain
, lance-t-il.
Le bois traité et le bois d’oeuvre se font rares. Plusieurs clients de Sébastien Michaud ont dû prendre leur mal en patience.
Il y a plusieurs personnes qui comprennent que c’est une année exceptionnelle causée par la COVID, d’autres sont plus réticents et nous mettent beaucoup de pression pour qu’on livre les chantiers
explique-t-il.
L’entrepreneur général en construction n’est pas le seul à faire ce constat. Le confinement a entraîné une ruée vers les projets de construction et de rénovation.
Chez le marchand de bois Langevin Forest, on répond tout juste à la demande. Le bois destiné aux terrasses s’est écoulé à une vitesse fulgurante, surtout depuis la mi-juillet.
Cette année, on a vu venir en augmentation l’autoconstructeur, donc le particulier qui a décidé de construire lui-même son patio
explique le directeur général de Langevin Forest, Marc-André Belisle.
On s’est retrouvés en mai avec un volume important, pratiquement le double de ce qu’on vend normalement
ajoute-t-il.
À cette hausse de la demande s’ajoutent des délais de livraison du bois. Langevin Forest attend parfois plusieurs semaines avant d’obtenir du bois traité destiné aux terrasses.
Selon un sondage mené par l’Association de la construction du Québec (ACQ) et l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) à la fin du mois d’août chez leurs membres, 87 % des 794 répondants affirmaient éprouver des problèmes d’approvisionnement de matériaux depuis le début de la pandémie.
Melik Bouhadra, directeur général chez RenoRun, un fournisseur de matériaux de construction, s’inquiète de cette pénurie qui cause, selon lui, une pression supplémentaire sur l’ensemble de l’industrie.
Ça crée des difficultés sur le marché pour nous, pour nos clients, qui sont des entrepreneurs généraux, et pour le client à la fin de la chaîne de valeur, qui tout à coup voit que son budget est de moins en moins respecté
, affirme-t-il.
M. Bouhadra constate une hausse importante du prix du bois d’oeuvre. On a vu une augmentation de 15 à 20 % au courant des trois derniers mois. Mais si on est plus précis sur des produits tels que le ”2×4” ou le ”2×6”, on voit des augmentations de plus de 50 % et ça n’arrête pas. Donc, la tendance est encore vers la hausse
, ajoute-t-il.
D’autres matériaux comme la roche, le béton et les produits saisonniers se sont aussi envolés et leur prix a augmenté, remarque Melik Bouhadra. C’est vraiment historique […] C’est vraiment le saisonnier et le bois, c’est assez généralisé
, note-t-il.
Marc André Roy, partenaire associé chez Sotramont, observe la même chose. En 28 ans de carrière, il n’a jamais vu une augmentation aussi rapide des prix du bois d’oeuvre.
Pour une maison de ville [… ], c’est 20 000 $ de coûts additionnels avec également des délais. On est rendu chanceux d’avoir les matériaux de 2×4, de 2×6 et de plywood… il n’y en a plus!
, se désole-t-il.
C’est une perte de profit pour son entreprise puisqu’il termine la construction d’une vingtaine de maisons qui ont déjà été vendues il y a plusieurs mois.
Même si les scieries roulent à plein régime, elles rattrapent difficilement le retard à la suite de leur arrêt au printemps dernier.
Avec la COVID et le confinement, il y a eu des baisses draconiennes de production. Il y a des scieries qui ont arrêté leurs activités. […] Au niveau de la construction immobilière, la mise en marché, mais aussi les rénovations personnelles des gens, il y a eu une demande très importante
, souligne Louis Bouchard, directeur principal des affaires publiques chez Résolu produits forestiers.
L’ACQ
et APCHQ souhaitent s’asseoir avec le gouvernement et les acteurs clés de l’industrie afin de trouver des solutions et réduire les effets de cette pénurie.Louis Bouchard soutient que diminuer les exportations de bois vers les États-Unis serait une solution peu viable à long terme. En temps normal, la production de bois ne pourrait pas être écoulée sur le marché local.
On aimerait bien être capable d’écouler au niveau local, mais la réalité est très différente. On a des barrières, des contrats d’approvisionnement et des marchés qu’on dessert historiquement et tout un réseau de logistique et de transport qu’on doit entretenir
, explique-t-il.